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La notoriété du père Lévesque

De retour au Québec à l’automne 1932, le dominicain se dirige immédiatement vers Ottawa où ses supérieurs lui organisent un programme d’enseignement qui doit débuter en janvier 1933. Ainsi, le jour, il enseigne aux jeunes dominicains la philosophie sociale et il prépare un cours sur les traités de la justice et de la charité en théologie. Tandis que le soir, il enseigne à l’Institut dominicain de philosophie où il donne un cours de philosophie économique offert à des laïcs, composés surtout de fonctionnaires et de professeurs. C’est lors de ces cours du soir que le jeune père Lévesque sera impliqué dans deux débats publics qui le feront connaître parmi les intellectuels de Montréal et de Québec.

Afin de discuter et d’approfondir des sujets actuels et d’aider des jeunes à travailler pour la société, le père Lévesque a l’idée d’organiser, en marge de ses cours du soir, un groupe de discussion composé d’une dizaine d’étudiants laïcs choisis pour leur dynamisme et leur intelligence. Ils décident d’appeler leur groupe de travail L’Atelier.

Quelques semaines après le début des classes, des étudiants de L’Atelier lui demandent de se prononcer sur le nouveau parti politique tourné vers le socialisme et créé dans l’Ouest canadien, le CCF (Cooperative Commonwealth Federation). Est-ce qu’un catholique peut adhérer à ce parti socialiste? Le père Lévesque s’informe alors sur le parti, réfléchit à la question et donne deux à trois séances sur le sujet. Les échos de ces séances se rendent jusqu’à Montréal chez les Jésuites de l’École sociale populaire. Ceux-ci invitent alors le dominicain à une réunion tenue le 9 mars 1933 à Montréal et regroupant treize évêques, prêtres et religieux du Québec. Lors de cette réunion, le groupe détermine que le parti du CCF n’est pas compatible avec l’engagement chrétien.

Le même scénario se répète en 1936, lorsque le père Lévesque se compromet dans une brochure et plusieurs articles où il affirme que le parti politique Crédit social et le mouvement catholique ne s’opposent pas. Ses propos créent de nombreux remous dans les milieux intellectuels québécois. En 1935, il affronte même l’abbé Lionel Groulx sur le sujet de la décléricalisation de la politique et la dépolitisation de la religion, avec son texte intitulé Action catholique et Action nationale et en lien avec la crise des mouvements de jeunesse des années 1930. 

Grâce à ses prises de position, le père Lévesque est invité partout au Québec à des journées d’étude sociale, à des rencontres et formations sociales et à des congrès, où il prononce des discours, notamment aux Semaines sociales du Canada. À l’automne 1934, il participe aux Journées anticommunistes de Montréal et quelque temps après, il est invité au Congrès diocésain de l’Action sociale catholique à Québec. Les organisateurs lui demandent alors de prononcer un discours sur le communisme, qu’il intitule L’individualisme, source de communisme. Ce discours crée un remous, car il est interprété par certains comme une attaque au gouvernement Taschereau. Le lendemain, le journal L’Action catholique de Québec le reprend en manchette et pendant quelques semaines, en citera des extraits. Pour le père Lévesque, cette conférence est très importante, car c’est elle qui lui permet de se faire connaître à Québec, mais surtout à l’Université Laval. 

Dans le train de retour pour Ottawa, le père Lévesque croise Maurice Duplessis, alors chef de l’opposition, qui le félicite de son discours prononcé à Québec. Il écrira même une lettre à Georges Lévesque à Roberval relatant cette rencontre. C’est ce même Duplessis, qui fera plus tard la guerre à la jeune Faculté des sciences sociales et à son fondateur. 

Pour l’instant, la nouvelle notoriété du père Lévesque lui ouvre les portes de diverses institutions d’enseignement à Montréal et à Québec. Notamment, en 1935 et pendant trois ans, Édouard Montpetit l’invite à donner un cours de philosophie sociale à l’École des sciences sociales de l’Université de Montréal. En 1936, c’est au tour de la Faculté de philosophie de l’Université Laval de lui confier le même cours pour ses étudiants inscrits aux cours du soir.

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