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La non-confessionnalité des coopératives

C’est également en 1940 que le Conseil supérieur de la coopération publie son manifeste. Il y énumère quelques principes essentiels, dont celui de la non-confessionnalité et de la neutralité politique et ethnique des coopératives. À l’époque, cet énoncé ne fait pas de vagues, mais en décembre 1945, le père Lévesque publie un article dans la revue Ensemble!, intitulé : La non-confessionnalité des coopératives. Cet article soulève un tollé parmi le clergé québécois et notamment une riposte de l’évêque de Rimouski, Mgr Georges Courchesne. Dans une lettre pastorale datée du 10 janvier 1946, l’évêque met en garde ses paroissiens sur les conséquences néfastes de la non-confessionnalité. L’article du père Lévesque lui vaut une enquête du délégué apostolique Ildebrando Antoniutti, le représentant du pape auprès des évêques du Québec. 

Ce dernier après avoir demandé l’avis de théologiens d’Ottawa et des Jésuites de l’École sociale populaire de Montréal, condamne l’article. Les Jésuites, quant à eux, envoient leur mémoire à tous les évêques du Québec et même au premier ministre Duplessis. Dans ce mémoire, ils affirment notamment que le père Lévesque s’attribue une autorité réservée à l’Épiscopat. Cette affaire se retrouve alors dans les journaux du Québec, où les adversaires du père Lévesque qui l’accusent de laïcisation répondent à ses défenseurs. 

Les dominicains prennent la défense de leur religieux par l’entremise du provincial de l’Ordre, le père Pie-Marie Gaudrault. En mars 1946, ce dernier publie un livret qui répond au mémoire et à l’attaque des Jésuites. Cette publication est même approuvée par l’archevêque de Montréal, Mgr Joseph Charbonneau et s’intitule : Neutralité, non-confessionnalité et l’École sociale populaire. Le mois suivant, c’est le père Lévesque qui répond aux Jésuites et qui défend son point de vue en écrivant un nouveau texte dans la revue Ensemble! Le cardinal Villeneuve qui appuie le dominicain au début de cette polémique lui demande alors de cesser toute controverse publique sur ce sujet. Finalement, une dénonciation du père Lévesque et de ses articles est envoyée à Rome à la Congrégation du Saint-Office, où s’ouvre un procès. S’il est condamné, le père Lévesque sera destitué de son poste de doyen et verra sa doctrine réprouvée. C’est le maître général des Dominicains, le père Suarez, qui assure sa défense. Finalement, Rome ne trouve pas matière à sévir. Le père Lévesque apprend cette bonne nouvelle du père Pie-Marie Gaudrault qui en avait été averti par le délégué apostolique, Mgr Antoniutti. Ce dernier suggère alors aux Dominicains de rester discret sur la victoire du père Lévesque pour ne pas heurter les autorités ecclésiastiques. 

CRÉDITS