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Fondation de l'Université Nationale du Rwanda

En 1962, le père Lévesque quitte définitivement la Faculté des sciences sociales et donne ses derniers cours comme professeur titulaire. Son ordre religieux vient de lui confier la tâche de fonder la première université du Rwanda, pays africain qui vient d’accéder à l’indépendance.

Le Rwanda est un pays colonisé d’abord par les Allemands à partir de 1885 jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Le Conseil supérieur des puissances alliées confie alors à la Belgique le protectorat du territoire rwandais. Les Belges colonisent le pays jusqu’à la proclamation de son indépendance, le 1er juillet 1962. Aussitôt au pouvoir, le président élu, Grégoire Kayibanda désire à tout prix fonder la première université de son pays. Les Rwandais doivent en effet s’exiler dans les pays limitrophes pour accéder aux études supérieures. Comme le pays est francophone, il fait appel aux dominicains québécois, qui contrairement aux Français et aux Belges, n’ont pas de passé de colonisateur. Déjà, depuis le milieu des années 1950, des dominicains québécois sont installés à Butare, où ils s’occupent d’enseignement. Parmi eux, le père Pierre Crépeau qui sera l’un des collaborateurs proches du père Lévesque dans la création de l’Université Nationale.

Une fois mis au courant du projet du président, les dominicains pensent immédiatement au père Lévesque pour le réaliser. Réticent, il prend le temps de réfléchir. À l’automne 1962, il écrit au président Kayibanda et demande d’aller au Rwanda observer sur place afin de voir si l’installation d’une université est possible; ce qu’il fait de janvier à mars 1963. Revenu au Québec, il remet son rapport et accepte ce projet. La tâche est colossale, car tout est à faire : trouver l’argent, les locaux, le personnel enseignant et administratif. Dans les mois qui précèdent son retour en Afrique, le père Lévesque se démène pour solliciter des dons et s’allie un collaborateur, le cinéaste et producteur Pierre Valcour. De 1963 à 1972, il sera son directeur des relations internationales. Ses principales tâches seront de rechercher des fonds pour l’Université et de délivrer des permis d’enseignement aux Québécois qui iront à Butare. Pierre Valcour sera nommé plus tard, consul honoraire du Rwanda.

Le 1er juin 1963, un arrêté présidentiel nomme Georges-Henri Lévesque recteur de la future Université Nationale du Rwanda. Le 21 juillet, il est de retour en Afrique avec un groupe de coopérants canadiens laïcs et dominicains, ainsi qu’une entente signée entre les dominicains et le gouvernement rwandais. Cette entente est officialisée par une loi, le 12 mai 1964. Le gouvernement met à leur disposition les terrains d’un ancien jardin forestier où ils pourront construire des pavillons et des laboratoires et l’Université achète à une communauté religieuse belge l’Institut St-Jean. Le père Lévesque et ses collaborateurs s’attellent immédiatement à la tâche, car la première rentrée scolaire de l’Université Nationale du Rwanda est prévue pour le 3 novembre 1963 et cinquante étudiants y sont inscrits dans les trois premières Facultés, celle de médecine, de pédagogie et celle des sciences sociales et économiques.

Grâce surtout au financement du Canada, par l'entremise de son Agence canadienne de développement international (ACDI), l'Université va se développer considérablement. Pendant huit ans, le père Lévesque et ses collaborateurs vont préparer la relève rwandaise de l'Université en formant notamment des professeurs. Lorsqu'il décide de quitter le Rwanda, le père Lévesque passe le flambeau à un nouveau recteur rwandais, Sylvestre Nsanzimana. La passation des pouvoirs se fait lors de la rentrée scolaire d'octobre 1971, en présence du président Grégoire Kayibanda. Lors de son discours, le président lui donne la plus haute distinction du pays, soit le titre de Pater Patriae (père de la patrie), seul blanc à avoir reçu cet honneur. Par un arrêté présidentiel daté du 2 décembre, le père Lévesque est aussi nommé recteur honoraire et conseiller de l'Université Nationale du Rwanda. Il quitte le pays en 1972.

Du Québec, le père Lévesque s’intéressera toujours aux destinées de son université africaine. En juin 1977, il retourne au Rwanda pour recevoir un doctorat honoris causa en droit de son Université et il est nommé Commandeur de l’Ordre national des Mille Collines, par le gouvernement rwandais. Il y retourne en 1981, lors de l’inauguration des nouveaux bâtiments de l’Université. Enfin, il prendra part aux célébrations du 25 e anniversaire de la création de l’Université, en 1988. Malheureusement, l’université du père Lévesque n’échappera pas au génocide rwandais du printemps de 1994. Une trentaine de professeurs et un millier d’étudiants seront tués, dont quatre cents sur le campus. Malgré tout, l’Université Nationale du Rwanda se relève et rouvre ses portes en avril 1995.

CRÉDITS